Avec les dernières évolutions technologiques, nos montres sont maintenant capables de choses dignes d’un film à la James Bond. Grâce aux montres modernes qui sont connectées à nos smartphones et à internet, il est possible d’utiliser ce périphérique pour téléphoner, envoyer des messages, compter nos pas, mesurer la fréquence cardiaque, analyser le sommeil, nous localiser et plus encore.
Mesurer sa santé
Ces montres intelligentes, communément appelées SmartWatch, rendent donc un certain nombre de services qui sont notamment liés à la santé.
Depuis 2007 est apparue la tendance du Quantified-Self (soit la « mesure de soi »). Cette pratique consistant à suivre différents indicateurs tels que la courbe de poids, les calories absorbées ou le rythme cardiaque s’est popularisée avec l’évolution des technologies numériques qui ont permis de suivre ses données, les compiler, les analyser sans effort et même les partager. Un des points importants qui a fait émerger le Quantified-Self est le fait de pouvoir partager ses données pour montrer les efforts que l’on fait et pouvoir se soutenir. Soutien présent à plusieurs niveaux, de la gestion de sa productivité à son bien-être et sa santé. [1, 2]
Dans ce but, les traqueurs d’activité se sont développés et se développent encore pour devenir des accessoires présents dans notre vie de tous les jours, bracelets, montres, sans oublier d’autre invention encore à l’état expérimental comme les t-shirts connectés[3]. Ces outils de mesures de la performance n’ont pas tardé à intéresser les milieux médicaux.
En effet, les assurances ont bien compris la tendance actuelle puisqu’elles sont déjà nombreuses à proposer des rabais en échange de ces précieuses données. [4, 5]
Ces wearables nous permettant de nous faire une idée de l’évolution d’éléments clefs de notre santé et nous permettant de les partager facilement donnant aussi une chance aux professionnels de la santé de nous offrir un suivi pertinent jour après jour pour une médecine plus personnalisée. [6]
Connecté et en bonne santé
Initialement ces wearables étaient plutôt considérés comme des gadgets, puis ils sont devenus de plus en plus fiables. Ces appareils nous encouragent à rester en bonne santé en faisant de l’exercice, en mangeant sainement et en dormant suffisamment. [7]
Avec l’évolution impressionnante de la technologie et de la science, ces appareils offrent des innovations au service de l’humain. Par exemple, l’Apple Watch[8] et la iBeat[9] proposent différentes applications destinées à sauver des vies, telles que la mesure du rythme cardiaque via un ECG ou un détecteur de chute. En ce temps de pandémie, l’application Cardiogram de l’Apple Watch propose une fonctionnalité qui permet de détecter les signes avant-coureurs du COVID-19 ou d’une grippe, grâce à l’analyse du rythme cardiaque. Apple ne se cache pas pour dire qu’elle souhaite faire de sa montre connectée un véritable outil de prévention en matière de santé. [10]
En cela la SmartWatch participe pleinement au glissement général du marché de la santé, qui mettait traditionnellement l’accent sur la guérison des maladies, pour se diriger progressivement vers la préservation de la santé. Les assurances maladie participent de plus en plus à la promotion de la santé et elles proposent leurs propres applications liées à la santé qui vous incitent à faire de l’exercice et vous octroient même des réductions de primes en fonction de vos efforts.
Certains utilisent déjà ces données pour personnaliser leurs offres, pour qu’elles puissent correspondre à la façon de vivre de chacun et répondent à ses besoins et à son état de santé. [6]
À titre d’exemple, les programmes Healthy Health de Jinnbee et Vitality de John Hancock Insurance, qui permettent aux bénéficiaires d’avoir des réductions une fois que certains objectifs sont atteints au niveau de son hygiène de vie. Ils sont associés aux montres connectées Apple, Fibt et Garmin qui permettent de réaliser des diagnostics de santé au fur et à mesure de leur utilisation.
Bien que toutes ces innovations soient positives pour notre santé, il ne faut pas oublier la confidentialité des données et la façon dont celles-ci pourraient être utilisées à des fins commerciales.[11] Apple garantit le respect de la confidentialité des données, mais dans quelles limites ?
Utilisation des données
En effet, l’utilisation d’objets connectés en matière de bien-être peut permettre un suivi de santé plus personnalisé, la possibilité d’avoir une action préventive qui éviterait certains problèmes de santé et aussi, au niveau de la recherche médicale, elle peut permettre de mettre le doigt sur certaines corrélations sur lesquels jusque-là la médecine classique n’a pas mis l’œil, et ceux grâce à l’accumulation en masse de données personnelles qui seront destinées à être analysé par des algorithmes. [12, 13]
Les assurances essaient de profiter de cette vague pour étendre davantage leur rôle en augmentant la valeur ajoutée de leur offre.
Est-ce que les données pourraient être utilisées par les assurances à des fins autres que la prévention des risques de santé de l’utilisateur ?
Dans le cadre du changement du rôle des assurances, de nombreuses questions peuvent se poser par rapport à la limite de cette utilisation. Est-ce qu’elle portera toujours le maillot gagnant d’aide à la prévention des risques de santé de l’utilisateur ? Ou peut-elle donner naissance à un changement de paradigme ?
Y a-t-il un risque pour que dans cadre de l’assurance maladie l’individu puisse être tenu pour responsable de son évolution biologique et de son état de santé ? Va-t-on passer d’un modèle de mutualisation partielle ou totale des risques devant la maladie à un modèle ou la notion de responsabilité individuelle est recherchée ?
Ces craintes découlent d’une évolution rapide qui pourrait prendre plusieurs formes. Par exemple au Canada les données récoltées à travers un bracelet connecté ont déjà été utilisées par la justice pour prouver que les capacités physiques d’une femme ont été impactées suite à un accident. Dans ce cas de figure, le consentement de la femme sur une telle démarche lui a permis de prouver que ces capacités physiques se sont détériorées. Mais si nous imaginons que l’on ait plus besoin de l’accord, que l’usage de données par les assurances ou même par les constructeurs d’objets connectés puisse leur donner plus de pouvoir face à la liberté individuelle.
Le risque est grand !
Des lois pour faire face
Aujourd’hui, au niveau européen, le règlement général de la protection des données (GDPR) définit, selon l’article 4.15, les données de santé comme « les données à caractère personnel relatives à la santé physique ou mentale d’une personne physique, y compris la prestation de services de soins de santé, qui révèlent des informations sur l’état de santé de cette personne ». Le considérant 35 du GDPR cite comme exemples « un numéro, un symbole ou un élément spécifique attribué à une personne physique pour l’identifier de manière unique à des fins de santé ; des informations obtenues lors du test ou de l’examen d’une partie du corps ou d’une substance corporelle, y compris à partir de données génétiques et d’échantillons biologiques ; et toute information concernant, par exemple, une maladie, un handicap, un risque de maladie, les antécédents médicaux, un traitement clinique ou l’état physiologique ou biomédical de la personne concernée ». Les données récoltées depuis des objets connectés sont donc des données de santé, peu importe leur source, ce qui limite aujourd’hui le risque d’une utilisation commerciale sans limites. [2] De nombreuses organisations se battent pour prévoir des restrictions sévères d’usage de données personnelles récoltées à travers des objets connectés même avec le consentement de l’utilisateur pour mieux gérer leur utilisation au niveau commercial. La cause n’est certainement pas gagnée par avance !
Si les assurances se réinventent une nouvelle façon d’exister, ce n’est pas juste pour profiter de l’opportunité que leur offre l’avancée technologique, mais c’est éventuellement aussi une préparation pour faire face aux GAFA. En effet la menace reste réelle bien que des dispositifs réglementaires et financiers empêchent encore ces géants de pouvoir se positionner d’une meilleure façon sur ce marché.
Quel avenir pour les assurances ?
Face à cette menace potentielle, deux scénarios peuvent se confronter, l’arrivée des GAFA pourrait-elle entraîner la disparition des assureurs traditionnels ? où va-t-on assister à une nouvelle transformation des sociétés d’assurance qui peuvent se réinventer en entreprises purement technologiques ? [14]
Assurances ou GAFA, l’utilisation d’objets connectés en matière de santé soulève un grand nombre d’interrogations de politique de confidentialité, de sécurisation de donnée, etc. Avec toutes les portes que peut ouvrir la Big Data, le piège serait de l’utiliser principalement pour s’enrichir au détriment de la santé humaine. Ceci est une affaire à suivre !
Co-écrit par Jade Perroset, Yousra Boumasmoud et Etienne Wildi
Sources
- Image by Free-Photos from Pixabay
- [1] Will Kenton. (18.06.2018). Quantified Self. Investopedia.com.
https://www.investopedia.com/terms/q/quantified-self.asp - [2] Thierry Léonard et Bojana Salovic. (08.11.2018). Assurance-vie et objets connectés : quel équilibre ? Droit & Technologies.
https://www.droit-technologie.org/actualites/assurance-vie-et-objets-connectes-quel-equilibre/ - [3] net, le magazine des objets connectés et innovants. (2020). T-Shirt connecté.
https://www.objetconnecte.net/tag/t-shirt-connecte/ - [4] CSS Assurance. (Consulté le 10. 03,202 0). myStep — chaque pas compte.
https://www.css.ch/fr/clients-prives/ma-sante/activite-physique/mesures-et-suivi/mystep.html - [5] Tanya Lathion. (11.06.2018). Révolution numérique. Groupe Mutuel.
https://www.groupemutuel.ch/fr/groupe-mutuel/publications/Blog/Le-Groupe-Mutuel-ses-engagements/Innovation.html - [6] Michel Guillaume. (17.10. 2017). Les assureurs veulent imposer leurs applications sportives. Le Temps.
https://www.letemps.ch/suisse/assureurs-veulent-imposer-leurs-applications-sportives - [7] net. (30.01.2019). La montre connectée : quel impact positif sur la santé physique ?
https://www.cineheroes.net/la-montre-connectee-quel-impact-positif-sur-la-sante-physique/ - [8] Melinda Davan-Soulas. (01.04.2019). L’Apple Watch peut s’occuper de votre santé cardiaque avec un ECG : faut-il y croire ? LCI.
https://www.lci.fr/high-tech/video-l-apple-watch-peut-desormais-s-occuper-de-votre-sante-cardiaque-en-pratiquant-un-ecg-faut-il-y-croire-electrocardiogramme-sante-connectee-2116799.html - [9] Marc B. (02.06.2017). IBEAT : La montre qui détecte les arrêts cardiaques. Secourisme and Co.
http://www.secourisme-and-co.fr/cardiologie/innovation/ibeat-la-montre-qui-detecte-les-arrets-cardiaques/ - [10] Charlotte Arce. (09.01.2020). Apnée du sommeil : une montre connectée pour la détecter.
https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/31158-Apnee-sommeil-montre-connectee-detecter - [11] Alexis Pfefferlé. (13.06.2018). La montre connectée, reine des espionnes. Blog Le Temps.
https://blogs.letemps.ch/alexis-pfefferle/2018/06/13/la-montre-connectee-reine-des-espionnes/ - [12] Maxence Nicolson. (08.04.2019). L’IoT au service du secteur Assurance. Redsen Consulting.
https://www.redsen-consulting.com/fr/inspired/transformation-digitale/iot-au-service-du-secteur-assurance - [13] Juliana Perocheau. (14.10.2019). Objets connectés : Quels enjeux pour l’assurance ? Insurance Speaker, le blog assurance des consultants Wavestone.
https://www.insurancespeaker-wavestone.com/2019/10/objets-connectes-quels-enjeux-pour-lassurance/ - [14] Pierre Berthoux. (02.12.2019). Assurances : la menace GAFA, un vieux serpent de mer ? Alliancy, le mag numérique et business.
https://www.alliancy.fr/a-laffiche/banque-assurance/2019/12/02/assurances-la-menace-gafa-un-vieux-serpent-de-mer